Démolition 36 rue Francis Chirat, Patrimoine.troll 1ère édition

Démolition 36 rue Francis Chirat, Patrimoine.troll 1ère édition

Note : Sur un blog qui ne laisse guère de temps à son auteur que d’enchaîner les sujets de démolition, il importait de consacrer un petit intervalle d’expression approprié à sa décompression. Car le patrimoine doit rester une fête pour tous, même dans la ruine.  Et parce qu’autrement, oui, le patrimoine sous cet angle-là seulement, c’est déprimant.

Attention, contenu non contractuel et conçu comme un clin d’œil au site de non information Le Gorafi.

Cette petite maison blanche au charme fort désuet et d’un autre temps, laquelle enfin causait beaucoup de tort à l’ensemble de son voisinage de la rue Chirat à Villeurbanne, a été démolie. C’est heureux, et l’événement a été salué comme un indispensable bienfait par les comités des habitants riverains.

Cette maison, c’était beaucoup de griefs accumulés, depuis 30 ans au bas mot, témoigne Jean-Pierre Morille, agrégé du syndicat de pétanques de la rue des Deux Frères :

Trop à sa place dans le quartier, élégante, trop sans doute, renchérit-il, soucieux de préciser sa pensée au moyen du meilleur qualificatif, et de conclure ensuite sans le soupçon d’une hésitation :

« Trop blanche surtout, je me suis déjà mis la rétine à mal l’autre jour en la regardant. »

Elle sera remplacée par un immeuble de 150 000 logements proposant en outre 1 millions 500 milles places de parking en sous-sol qui incluront bien entendu un emplacement réservé aux trottinettes électriques.

Détail sur l’ex palier extérieur destiné à accueillir la future rampe d’accélération pour parking

Un soin tout particulier a été accordé à l’environnement urbain dans la concertation du projet de reconstruction. Ainsi l’édifice préposé à la substitution de l’ancien n’a été pensé que comme copie la plus diamétralement opposée à l’édifice qui l’a précédé. Mais si un tel projet présente bien de l’agrément aux néophytes il ne s’impose pas naturellement à l’esprit sans débats ni travail préalables :

Au début du projet nous désespérions de créer un édifice aussi radicalement opposé à l’esprit du quartier, un quartier composé de petits pavillons du début du XXe siècle, confie Jean-Maurice. On a dû mobiliser un algorithme rigoureux, des diagrammes et des vieilles bijections complètement oubliées depuis l’époque de Fermat, et surtout faire l’impasse sur nos pulsions spontanées de produire un truc joli. Mais à la fin, nous avons trouvé le bon rythme, le bon modèle et nous sommes parvenus à produire une équation mathématique suffisante à projeter un archétype de construction en parfaite disharmonie avec le reste de la rue. Le résultat est prometteur, c’est un pari gagné.

Seule fausse note : la couleur blanche, retenue dans le futur projet évoque trop explicitement l’ancien édifice. Mais, précise Jean-Marcel, co-auteur de la courbe exponentielle du projet, le blanc c’est un standard qui plait à tout le monde et qui traverse volontiers les époques et les genres.

Un des artisans du projet de l’agence en charge du projet des Nouveaux constructeurs plus que très très utiles du futur et du turfu & associés témoigne, enthousiaste :

« Il importait de répondre efficacement aux préoccupations du plus grand nombre, en proposant quelque chose qui dans le quartier fût moche mais pas trop, social mais pas trop non plus, bref on a fait comme d’habitude finalement et on a suivi notre instinct. »

Et d’ajouter en sirotant son sirop d’orgeat :

« On n’est pas ici pour rigoler. »

Point de vue que salue Jean-Michel Béton, passionné de densification urbaine depuis sa plus tendre enfance :

Bravo, crie-t-il d’une seule voix. La sienne en l’occurrence, sans s’arrêter et avant de finir son jogging en poussant jusqu’au tas de gravats où les monceaux impromptus offrent une halte insoupçonnée ainsi qu’une aire d’étirement non conditionnée à obligation d’achat.

Vue, et tranche de pisé après intervention du comité de démolition

Un expert, cependant, reconnu parmi les plus éminent professionnels du parapente, découragé, confesse à regret :

 » Nous aurions aimé conserver l’ancienne maison, ou au moins un bout de l’ancien parquet, une planche au moins, dans un projet plurimultivalent mais cela impliquait une mise au norme lourde de plus de 3,19 milliards d’euros. »

Autre bémol : avant le choix du projet, on avait pris le parti ambitieux d’un toit terrasse avec piscine et  douchette sur l’étage sommital, en retrait permettant aux plus riches de compisser tout leur saoul les étages plus modestes. Le projet définitif n’a pu être retenu, Villeurbanne n’était pas prête, soupire t-il, désabusé.

Vue du 36 rue Chirat avant démolition

M. Bref, maire de Villeurbanne, et habitant d’une commune voisine, spécialisé dans les démolitions et les travaux de terrassement, confirme les impressions d’ensemble sur le sujet et ne tarit pas d’éloges :

« Cette petite maison blanche était devenue une atteinte aux libertés les plus fondamentales de mes concitoyens. Il allait de soi que la Ville devait intervenir car nous étions au bord de la guerre civile. Je suis donc intervenu sans hésiter, et ma société Banlieue-est métropole habitat a pu proposer ses conseils aux nouveaux bâtisseurs. »

« Je vais même aider à soulever les sacs de béton. Ce sera facile, j’en ai toujours en stock dans ma remise, et quand on aime on ne compte pas sa peine. », conclut-il, intarissable.

Une place vide qui stimule l’intellect de tout promoteur qui se respecte et qui risque fort de faire des jaloux parmi la profession.

2 réflexions sur « Démolition 36 rue Francis Chirat, Patrimoine.troll 1ère édition »

  1. Héhé.
    Cela fait peur d’être la première à poster un commentaire et pourtant ton article « gorafique » le mérite amplement.
    Merci pour ce bon moment de lecture.

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