Démolition : N°117 & 119 rue Baraban

Démolition : N°117 & 119 rue Baraban

« Risque d’effondrement »

Ne vous laissez pas impressionner par l’insoutenable caractère d’incertitude auquel relègue cet affichage et raccrochez-vous à de rassurantes convictions : à l’heure où je parle, les deux maisons qui en faisaient l’objet sont d’ores et déjà réduites à un insignifiant et inoffensif tas de gravats. Ouf, la catastrophe a été évitée de justesse.

Il y a eu du remue-ménage ce mois-ci dans le secteur. Les expertises avaient révélé que les maisons à démolir présentaient le risque de se démolir toutes seules. Le monde entier, le quartier surtout, retint son souffle. Ce providentiel état de vétusté conférait aux deux condamnées un inouï et paradoxal surcroît de longévité. Mais cela n’entamait nullement le projet de les abattre, tout au contraire, on s’agitait. Et s’il était question de hâter le nécessaire, excluant par la même la possibilité de les laisser s’effondrer par leur volonté propre, sécurité oblige, c’était surtout que ces choses-là ne se font pas. On le comprend, la profession était bafouée voire mise en danger.

Le mal était là. Le programme de démolition pâtissait d’un état de ruine avancée d’immeubles ruinant un calendrier de ruine organisée et programmée cinq ans à l’avance. Et on n’est jamais aussi sérieux que devant des choses qui ont été planifiées, arrêtées, balisées. Ainsi on pressait ces maisons de se tenir droite le temps de venir leur mettre un bon coup de pelle.

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Carrefour des rues Baraban et paul Bert, vue en direction du Nord. Les maisons démolies sont tout au fond.

La rue enfin a été barrée et des panneaux placardés. Il y a 15 jours, j’ai même croisé un monsieur qui était dans ces affaires  et qu’autant d’incertitude paraissait jeter dans l’embarras. Son front perlait à grosses gouttes en plein mois de novembre. C’est qu’il avait «une démolition à faire» (je cite). Il en parlait au téléphone, d’une façon que d’autres auraient employée pour évoquer l’angoisse de leurs courses de Noël deux jours avant le rush. Le soir sans doute quand sa femme l’interroge à table sur l’avancée de la démolition, elle lui demande pour lui remonter le moral : «Chéri, ça avance cette démolition ?».  Mais pour lui, c’est le drame ; il répond, contrit, les yeux tournés vers sa soupe où flottent quelques croûtons impitoyables devant sa détresse : « Ah, hélas, je crains que les formalités de cette démolition ne puissent s’exécuter dans les délais, à moins que ces garces de maisons ne tombent toutes seules sur la tête des passants, ce qui serait un drame pour la profession. »

Fort heureusement nous savons le fin mot de l’histoire, ces aléas ont été surmontés, tous. Ça a été, en clair, beaucoup d’incertitudes dépassées grâce à davantage de professionnalisme. Ainsi, les maisons ont pu être sauvées in extrémis de l’effondrement grâce à leur démolition :

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Démolition en voie d’exécution aux 117 et 119 de la rue Baraban

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La rue Baraban dans ses tronçons encore préservés ne manque pas d’allure. Le carrefour qu’elle forme au croisement de la rue Paul Bert est remarquable à plus d’un titre. L’ensemble  mériterait une présentation plus ample et j’aurais l’occasion d’y revenir. Bornons-nous à dire qu’il s’agit de constructions de la seconde moitié du XIXe d’allure faubourg et qui présentent aux numéros voisins que sont les 123 et 125 de remarquables remplois d’époque beaucoup plus anciennes : niche et arcs en pierre de taille du XVIIe, balcon du XVIIIe, autant de formes surprenantes si loin du centre-ville.

Mais quel tort ne lui ferait-on pas en le réduisant à un simple et élégant cadre de théâtre, puisqu’il est également authentique cadre de vie, témoins les intéressants commerces qui l’habitent.

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Angle des rues Baraban et paul Bert. Vue en direction du sud. Source : Google Maps

Pour finir je dirais que les deux maisons précédemment citées, sises aux N°117 et 119 et qui ont transformé leurs chances d’effondrement en authentique effondrement – effondrement contrôlé cela s’entend – étaient le prolongement nord du cadre de vie ainsi présenté. Le projet qui sévit ici dépossède donc le quartier. Certains experts reconnus en dermatologie, de passage, ne rechigneront pas à la comparaison avec une sorte de lèpre urbaine qui se propagerait depuis le nord, transformant en gros pâté tout ce qu’elle touche. Attention donc en traversant la chaussée.

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Rue Baraban, avec au 1er plan le 115 face au couchant, préfigurant la suite des opérations.

Passons. Le reste, l’ensemble mitoyen composé des N° 121 et 123 doit faire l’objet d’une réhabilitation tandis que le 125 à l’angle de la rue Paul Bert doit subir, lui, une démolition partielle mais suivie de « reconstruction à l’identique ». Affaire à suivre et pour la bonne voie de laquelle les prières de toutes espèces sont les bienvenues.

Quelques informations supplémentaires sur le projet ici.

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Enfilade rue Baraban du 115 au 125 dont les 1ers N° sont à présent effondrés/démolis.

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