Qui êtes-vous le boucher ? (Spécial Givors 2021)

Qui êtes-vous le boucher ? (Spécial Givors 2021)

Rendez-vous inconditionnel des vieux collectionneurs de vieux trucs en tous genres, et s’adressant évidemment à moi comme au vieux mec en devenir que je suis, la 42e édition de la foire à la paperasse de Givors s’est tenue le weekend dernier dans la salle du parc des sports.

Rien de moins sportif pourtant que ce salon annuel. La plupart des vendeurs tiennent leurs positions, repliés derrière leurs stands, sandwichs à la main, dans l’attente du milliardaire décidé à sortir le massif chéquier qui monnaiera leur stock. Et si la posture des plus fringants d’entre eux, conjuguée au parfait alignement des tables peut donner l’illusion d’un starting-block, même pour les imaginations en crue, toute ressemblance avec l’épreuve du 400 mètres s’arrête ici.

Plus sportive en revanche, la participation des visiteurs poursuit son œuvre millénaire de piétinement et ne s’arrêtera qu’à l’heure où le plancher du putain d’univers viendra à s’effondrer. Tous sont à la recherche du futur ornement pour leur collection, et sa valeur est très naturellement fonction de sa rareté : découpi gaufré de l’An 1912 figurant un poilu le majeur enfoncé dans la narine droite, pin’s à l’effigie de Gérard Collomb chantant l’Internationale, autographe de Ramsès II, etc. Cette énumération suffira à allumer la flamme du collectionneur qui sommeille en vous.

Quoi, comment, vous ne savez pas ce qu’est un découpi?

Un découpi bien moche, issu de Delcampe, paradis des découpis mais pas que.

Givors, c’est encore de succulents souvenirs, tel celui-ci que je ne résiste pas à l’idée de rapporter et qui remonte à la 41e édition :

Moi (à un vendeur): – Combien pour ce misérable dépliant de réclame d’une fabrique de meubles dégueulasses des années 1950 que j’ai excavé du fin fond de votre carton au prix d’interminables heures d’investigation et dont vous ignoriez sans aucun doute l’existence? Il ne porte aucune mention de prix, ni aucune espèce de mention d’ailleurs à l’exception de cette énigmatique annotation au verso portant les chiffres « 6 » et « 0 »  mais qui n’est sûrement pas un prix.

Le vendeur (se saisissant du papier et se croyant bien inspiré)  : – Si si, regardez, 60 euros.

Le vendeur encore (devant ma mine stupéfaite) : – Mais regardez, il se déplie.

L’épisode givordin, du reste, laisse rarement indemne. Ainsi, le cou tiré vers le bas tout une éternité à compulser des kilomètres de tonnes d’hectopascal de cartes postales finit infailliblement par refiler la migraine de l’année. Cette fois encore j’ai siroté ma nausée, bercé d’un mal de crâne carabiné tout au long du trajet par l’autocar qui me ramenait jusqu’à la Part-Dieu en murmurant : « Mon Dieu ça fait plus mal d’année en année, mais qu’est-ce qu’il se passe à la fin avec ce salon…? »

Blague à part, la foire à Givors c’est très très bien. Elle reste l’incontournable rendez-vous du futur de demain, ah merde, je crois bien que je me répète…

Finalement, c’est bien à l’une de mes achats que revient l’inspiration de ce petit billet. L’objet dont il va être question reste d’un caractère modeste, mais le récit de sa trouvaille me confortera dans l’espoir que je suis encore capable de traiter un sujet sans délai et sous le feu de son actualité.

 

Photo carte au 30 de la rue quelque chose…. L’exercice de l’immortalisation pour les commerçant.e.s consiste souvent à déballer la marchandise et à ne pas poser devant une boutique fermée. Ici grosse ambiance avec des carcasses bien souriantes et contentes de passer à la postérité.

De quoi s’agit-il?

D’une carte-photo classée Lyon, 4e arrondissement par son vendeur. On y découvre la façade d’une petite maison, la vitrine d’un boucher ainsi que trois personnes. Rien au verso qui atteste l’origine sinon une inscription de seconde main. Or J’assure dès le premier coup d’œil que nous ne sommes pas à la croix Rousse.

Verso de la fameuse carte et suspens insoutenable.

– Mon point de départ c’est la plaque numérale ronde, et pas carrée, portant le numéro 30 : elle est villeurbannaise comme toutes plaques de cette forme. Il en reste quelques unes à Villeurbanne qui attestent vraisemblablement la première campagne de numérotation des adresses de la commune. Vous le vérifierez autour de vous en empruntant les voies les plus anciennes où ces reliques ont pu subsister.

-Mais comment nous situer précisément ? Petite demeure d’un seul étage, d’ailleurs fort bas, ni garde-corps, ni lambrequins de baies, j’en déduis que cette maison de faubourg remonte au moins au XIXe siècle et qu’elle doit se trouver de préférence sur un grand et vieil axe de communication comme le suggère d’ailleurs la présence du commerce.

-Après une vérification au n°30 de l’ancienne route de Crémieu (actuelle Jean Jaurès) sans succès, je m’oriente dans un second temps vers le 30 de l’ancienne place de la mairie (actuelle Grandclément) dans sa continuité spatiale via Googlemap : bingo!

28 Place Grandclément Via Googlemap. Même si le numéro 30 subsiste il ne semble aujourd’hui s’appliquer qu’à une fraction de l’édifice

Certes, la maison a changé : plus de porte et disparition des bossages angulaires. On reconnait tout du moins le lambrequin de toit.

-Mais alors qui se trouve sur le cliché?

Pour la simple et bonne raison que les recensements disponibles en ligne attestent la présence de plusieurs bouchers  dès la fin du XIXe siècle, et en l’absence de correspondance au dos, la carte n’ayant pas voyagé, il est difficile de statuer. Ils sont trois au moins à se succéder dans l’intervalle jusqu’en 1921 : Triffoz Henri,  Tavernier Antoine, Lièvre Antoine. S’y ajoute une certain Favre qui en 1907 fait la demande de poser une grille en fer devant sa boutique auprès des services de la voirie et dont j’avais retrouvé la trace au cours de mes interminables dépouillement de la série S aux archives départementales du Rhône et dont je trouve finalement l’utilité. Bon on aura qu’à dire que c’est un boucher.

Si la maison a bien changé, et si l’enseigne du coiffeur actuelle parasite totalement le rez-de-chaussée, la présence d’un commerce de cette nature est attestée dans les lieux depuis au moins 1921 à en croire les recensements. Boucher puis coiffeur, la permanence d’une activité à une autre peut surprendre.

Détail de la photo carte du 30 place Grandclément. L’ouvrage métallique  à lambrequins est caractéristique des devantures de boucherie. Observer la fameuse plaque numérale ronde.

Fort de ce brillant succès, je reviens prochainement avec un exercice du même ordre, mais un peu plus corsé. Quant à la foire de Givors à bien y réfléchir je crois que ça m’a tellement plu que j’y retournerai l’année prochaine si Villeurbanne bien sûr existe toujours.

 

 

 

 

5 réflexions sur « Qui êtes-vous le boucher ? (Spécial Givors 2021) »

  1. Bonjour,
    Merci pour cette superbe photo qui m’a fait pensé aux vestiges d’une vieille boucherie à l’angle de la rue du Doyenné et de la rue du Viel-Renversé dans le quartier St-Georges à Lyon. Je joins un lien Google Street. La vue date de 2017. Il y a longtemps que je suis pas allé sur place. Je me demande ce qui reste de cette devanture.
    Michel L.

    1. Merci Michel pour le partage.
      Je crois et espère que cette devanture existe encore même si ça fait longtemps aussi que je ne suis pas passé. J’ignore d’ailleurs comment ce genre d’éléments d’intérêt sont considérés dans un secteur protégé (protégé donc mais sous bien d’autres critères).
      Il existe une carte photo sur Delcampe qui laisse entrevoir l’autre angle de la rue. https://delcampe-static.net/img_large/auction/000/473/110/922_001.jpg?v=2

      A bientôt.

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