Démolition, 31 rue Jean Bourgey, Villeurbanne

Démolition, 31 rue Jean Bourgey, Villeurbanne

Démolie, la petite maison du 31 de la rue Jean Bourgey, elle n’est assurément pas la première et n’est guère déterminée à demeurer longtemps dernière détruite dans le voisinage. Effet collatéral du projet d’extension de l’avenue Henri Barbusse, dit projet Gratte-ciel nord, quantité de bâtiments sont par conséquent appelés à « sauter » dans cette fièvre de reconstruction et c’est une longue fête à la poussière qui a commencé tôt et finira tard. Le projet de logements qui accapare les lieux concerne d’ailleurs également le N°181 du Cours Emile Zola, contigu et dans le même ilot, mais que je m’abstiendrai d’évoquer plus longuement.

Façade principale de la villa au 31 rue J Bourgey

La petit villa dont il s’agit agençait ses volumes d’un autre temps : années 30, années 40 peut-être, époque du béton (de machefer), ce dont j’ai pu obtenir confirmation grâce au splendide écorché de façade dont les pelleteuses, toute disposées à faire mon instruction, m’ont servi la leçon ce matin même, sur le coup des 8h30, 8h45. Providentiel cour d’anatomie dont je me fusse dispensé, aussi vrai que mon instruction sur le sujet  des matériaux me paraissait suffisamment dotée et dont les inévitables lacunes par ailleurs se fussent souverainement accommodées du doute.

Paupières tantôt ouvertes, tantôt closes pudiquement sur sa propre déchéance, les quelques feuillets épars des choses qui s’en vont sont l’intimité volée à la ruine. Elle concilie le souvenir de vieilles choses mais aussi de vieilles gens que je ne connais pas mais dont les vestiges indiquent le souvenir : échantillons de décoration désuète, traces d’aménagements à l’inverse fort récents mais brisés, tout dort, paisiblement ravalé et nivelé dans la ruine.

La poésie de la ruine m’évoque toujours un effroyable gâchis, une fièvre de démolir, de refaire, hantise d’une société où le goût de la consommation plus que le besoin ou l’exigence de bien faire, étend son vouloir sur chacune de nos décisions pour nous détourner de celles de la simplicité et de la raison.

***

Un petit mur sépare encore la rue du jardin qui enserrait la villa. Elle, projetait des formes simples mais gracieuses avec au devant un vestibule bien matérialisé, ouvert sur la cour et précédé de quelques marches :

Le vestibule à l’instar du reste de la villa était couvert d’une toiture saillante supportée par des consoles ouvrées mais là encore d’un goût sans ostentation. Un petit oeil-de-boeuf fermé par une serrurerie en fonte était visible sur le bâtiment principal de la villa, à l’aplomb dudit vestibule :

Oeil-de-boeuf, bâtiment principal

Cette serrurerie sommaire était un simple treillis à mailles carrées, sobre et géométrique, mais  accueillant en son milieu une spirale qui dénotait.

Au sol de ce vestibule se voyait un carrelage manifestement contemporain de la construction :

La façade arrière était pourvue d’un perron, coté jardin, surmonté comme de juste d’une marquise aux consoles métalliques ouvragées.

Enfin, au volume du vestibule précédemment cité, répondait celui d’un second petit corps en saillie qui devait faire office de véranda, orientée au sud :

Façade arrière
Marquise sur l’arrière

De toutes ces choses à l’heure où je parle il ne reste rien, hors peut-être les fondements de la maison. La démolition était engagée d’ailleurs, comme on s’en aperçoit, au moment des prises de vue.

Je m’étais pris à rêvasser bêtement dessous cette fameuse marquise, songeant au paquet de pluies qu’elle s’était prise sur la tête, et aux têtes dessous même tout occupées de vies, de guerre et de pluie encore. Alors j’ai tenté de la poétiser un peu, elle et son petit look d’un autre âge, elle et ses petites nervures stylées :

Voilà. C’est assez dit et assez bavardé. J’ai été le dernier à cogner mes soupirs à cette fâcheuse marquise, la vue à présent doit être parfaitement dégagée et n’importe la pluie sur un chantier.

Au spectacle de la démolition, je suis rentré chez moi avec l’intention de déballer ce sujet qui attendait patiemment son heure, rattrapé ce matin par la réalité qui m’a paru sous le ciel gris plus crue qu’un scalp.

 

 

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