Démolition 7 à 11 rue Edouard Aynard, Villeurbanne

Démolition 7 à 11 rue Edouard Aynard, Villeurbanne

Ne voilà-t-il pas la rue Edouard Aynard copieusement mise au devant de la scène avec deux projets architecturaux d’envergure ? Si fait. C’était d’ailleurs une telle bousculade qu’il était à se demander si la rue serait assez grande encore pour répondre aux conjointes assiduités de  SLC pitance et Kauffman & Broad, ces deux poids lourds de la démolition, et autres bulldozer-passion. Au final, Kauffy a obtenu les 7 et 9 de la rue tandis que Pitoo s’empare du 11.

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9 rue Aynard, façade, en sursis, future Villa Aynard.

Le 1er projet, celui de Kauffman donc, c’est la « Villa Aynard ». Rien de particulier à observer sinon qu’il mise par son choix éponyme et sobre sur une référence de terroir plutôt sexy. C’était en outre parier sur la sécurité : avec ce patronyme explicite, impossible de confondre ce nouvel immeuble, ou plutôt nouvelle « villa », blanche et lisse de son état, avec une autre, une voisine, qui sait ?  Son nom l’assigne en effet à sa rue sans possibilité d’erreur et plus fidèlement que la bûche à sa cheminée ou que le chien à son maître (note personnelle : penser à trouver des comparaisons moins prosaïques la prochaine fois, tout de même). C’est aussi, en somme, l’atout des noms dépourvus de toute créativité, comme en architecture du reste. En clair, le défunt député du Rhône (E Aynard) ne serait pas peu fier de voir que sa postérité ne s’étend plus seulement à une rue mais aussi à l’un de ses édifices. Une consécration.

Nous avons évoqué le 1er projet, examinons à présent le suivant.

Celui-ci affiche « Le Manhattan ». Gageons que cette entreprise, emportée par son accent sauce West coast, contribuera à conférer cette touche américaine qui manquait si cruellement au quartier. Ses mirifiques lignes sans doute inspireront un bilinguisme neuf, soudain et intraitable, un développement du commerce international sans doute, ou pourquoi pas des transactions en US dollars. A l’inverse du précédent projet il ne fait aucun doute qu’un véritable brainstorming, seul, aura pu résoudre la lourde responsabilité d’attribution de nom qui seyait à cette ambitieuse façade à parement de briques.

Car, oui, la brique est à la mode, la mode est à la brique. On l’éprouve à chaque coin de nos modernes rues. L’inspiration, le verbe, devait par conséquent et naturellement se tourner vers les buildings de Chicago ou de Manhattan. Et c’est un frémissement d’impatience qui secoue tous les amateurs de briques, jeunes ou vieux, à l’annonce de l’exotique projet outre Atlantique de franchir les sept mers, telle une tortue ninja jaillissant hors de ses natifs égouts new-yorkais.

Nous ne manquons pas d’idées en prolongement. Des idées où l’urbanisme s’accomplirait en harmonie avec ce beau rêve américain mité jusqu’au coude. C’est pourquoi, pour ce qui restera de rue Aynard à démolir, nous n’hésitons pas à suggérer  pêle-mêle : Le Massachusetts, Le Far West ou le Blue Fucking Bullshit. Nous espérons de tout cœur que nos voix seront entendues par ces promoteurs ou par d’autres.

 

Bilan (sommaire) sur le choix des noms : Si le 2e sonne moins député du Rhône, il rend compte bien d’avantage de l’aspect briquettes en terre cuite.

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Les bâtiments qui composent le 9  sont de lointains témoins d’une vocation résidentielle, pavillonnaire, intimiste et ombragée de la rue Aynard. A peu près abolie de nos jours, c’est du moins telle qu’elle existait peu avant la seconde guerre mondiale. Il s’agit de deux bâtiments séparés l’un de l’autre par une allée. L’ensemble dénote une proximité de style, d’époque et évidemment une appartenance.

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Portail de l’allée circulant entre les deux bâtiments du 9 rue Aynard

Le rez-de-chaussée est supporté par un embasement dont le parement est à bossage léger. Un soin nuancé est apporté au traitement décoratif.  Garde-corps en fonte Art déco d’un dessin standardisé, chambranle des baies aux lignes épurées, volets métalliques, le tout d’une typologie de construction caractéristique des années 30. La verdure enchâsse les habitations, modestes, dans un cadre très amène. Ces dispositions ne manquent pas d’attirer le regard, ni d’inspirer les réflexions qui s’imposent sur les critères d’un authentique cadre de vie.

Baie ornée d’un chambranle plat et de son garde-corps, au 9 de la rue Aynard

 

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9 rue Aymard, appui de fenêtre, garde corps et embasement avec traitement en bossages.
9 rue Aynard, allée entre les deux bâtiments, perron, entrée et marquise.
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Pièce au r-d-c du 9 rue Aynard avec sa cheminée en cours de démolition.

 

Je me rappelle il y a quelques mois, vers la fin de l’été, au moment de mes prises de vue les plus lumineuses, avoir entraperçu des gens par la fenêtre. Où sont-ils à présent ? J’éprouve en ce jour quelques regrets de n’avoir trouvé lors la force et l’audace de les interroger.

Enfin, vous comme moi, mes regrets, nous voilà autorisés à conjuguer tout cela au passé.

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