Souvenir du Champs Clos, Rosières.
Fenêtre ouverte sur lumières harassantes et toitures de béton, le regard lui-même n’avouait plus que l’asphyxie des jours à venir. Fuyant donc les fournaises des agglomérations, j’ai emprunté ce weekend des sentiers qui évoquaient déjà l’aventure et le trèfle. Et me voici de retour, avec dans ma giberne le souvenir des beaux jours. Et puisque même sur ma peau de citadin les coups de soleil, heureusement, ne dureront pas, me voici à m’épancher à l’ombre d’un souvenir.
Pays de lauzes et de basalte qui sont la mémoire de dragons enfouis, pays aussi des argiles de couleurs étagées en gouffre, voici un séjour qui respire une fraicheur que je veux partager.
A Rosières, le long de la route qui mène au Puy, c’est-à-dire un chemin arpenté de longue date par les pèlerins, chaque recoin offre l’occasion d’une démonstration de foi. Fonte colossale pour la croix érigée en place publique ici, signes fragiles d’intime piété nichés sur l’arête d’une toiture privé, là. En surplomb du village, enfin, un fruste enclos de pierre juché sur un plateau rocheux attire immanquablement l’attention.
Le Champs clos. On croirait le site bâti par quelque antique peuple féru d’idole et ferré dans la science d’en dresser les autels. Le Champs Clos pourtant n’est que l’œuvre d’un abbé ; suivi par ses paroissiens, qui, souhaitant réanimer la foi après la grande Révolution de 1789, s’essaya à exprimer très simplement sa religion. Il s’en acquitta en remettant au goût du jour les marques d’une foi manifestement ancrée dans l’archaïsme et les traditions, comme en puisant aux fondements du culte.
On se tromperait de voyage. Ce chemin de croix passe facilement pour une succession de croix épannelées par des mains romanes du XIe siècle. Naïves figures sous lesquelles la fidèle ressemblance à la nature n’a pas fourni de sujet suffisant aux élans de l’âme.
L’église du village est en bas, qui, avec son chevet, a pu offrir le souffle, l’inspiration, à l’esprit et à la main.
Quand la simplification des formes de la nature, humaine ou végétale, n’est pas infuse mais qu’elle procède d’un goût, d’une manière de simulation, de recherche, que croire de l’art qu’il génère? L’abstraction se paie alors d’un luxe et d’une marque de raffinement qui n’a à faire que de la forme. Ici pourtant foin de posture bourgeoise, ni de néo-roman. Tout se passe comme si l’esprit se mettait en situation de raconter une histoire plus ancienne que l’homme en tentant de la porter, la perpétuer, la rendre aux siècles. Il dit : donnez-moi un outil, une terre et un peu de votre temps et vous verrez ce que je peux faire.
Parfois l’expression ne peut trouver sa voie en dehors du cri, de l’exclamation brute, de l’intuition, sans risquer la profanation. Ainsi soit-il.
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L’enceinte du calvaire est à appareil irrégulier, hissée sur un socle de granit. Sa forme, en fer à cheval, évoque la nef et l’abside d’une église.
Tandis que les croix, nombreuses qui hérissent cette enceinte, sont nues, celles qui ornent le centre et les autels sont ouvragées (moulures et pommes de pin). Y figure le christ, flanqué des deux larrons.
Les commentaires à son sujet rappellent que la procession s’appliquait plus volontiers aux cérémonies funéraires. Au pied de la croix la plus au centre se voit d’ailleurs une table des morts. Le cimetière communal enfin n’est pas très loin.